J’ai exposé à Emerige Au loin là-bas, la nuit nous donnera des ailes, une installation s’organisant autour de treize éléments verticaux composés, de bas en haut, de verre, de chêne, de plomb et de céramique. Cette œuvre avait pour vocation d’étirer ce moment violent pendant lequel un oiseau tente de traverser une fenêtre close. Chaque strate de l’installation avait son importance : le verre donnait un effet de lévitation, le chêne faisait office de tronc, le plomb évoquait l’ombre d’une main enserrant les oiseaux en céramique, comme pour les retenir.
J’aime représenter ces situations que nous connaissons tous à travers des assemblages sculpturaux orchestrant une symbiose instable entre une micro-action et un arsenal de matières. Je crois que ce sont les gestes qui comptent le plus, ce sont eux, même les plus anodins, qui nous définissent : croquer dans une pomme, jouer aux cartes, boire à la bouteille, caresser un animal…
Je cherche à déconstruire ces événements, à les craqueler en quelque sorte et cela, afin de questionner leur inscription dans les représentations collectives et dans un contexte spatial et temporel altéré. Je travaille avec des matériaux domestiques, jouant avec leurs propriétés, leur histoire et les narrations qu’ils invoquent. Je suis un fainéant de la matière car c’est elle qui travaille réellement, conditionnant ses transformations et mes mouvements à son égard.
Mon rapport à la sculpture est en réalité très primaire. Dès mon plus jeune âge, j’ai été amené à construire et rénover des étages, des sols et des fenêtres… Mon rapport à la matière n’a pas changé. Je vis simplement : je produis simplement. Ma sculpture traduit, je crois, cette humilité. Je pense souvent à cette expression : pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Cela ne m’intéresse pas de faire d’être illusionniste, je préfère « être magicien ».
Mes œuvres ont un ancrage fragile et manifestent une forme de minimalisme et d’aridité. C’est peut-être en réaction aux sophistications du capitalisme mou (adepte de formes douces et séductrices) mais j’y vois aussi une forme de poésie et de liberté : faire trembler les évidences là où le sol semble le plus stable.